A Boston un simposio sul pensiero di Stanislas Breton
Dal 21 al 23 gennaio presso l’università di Boston (Stati Uniti d’America) si terrà un simposio sul pensiero del passionista Stanislas Breton, titolo del convegno: Il futuro del cristianesimo tra fede e dialogo – Un simposio sul pensiero di Stanislas Breton.
Pubblichiamo la relazione di P. Guy Sionneau, Superiore Provinciale dei Passionisti di Francia, preparata per il simposio filosofico (in lingua francesce).
Colloque de BOSTON
22-23 janvier 2014
Stanislas BRETON, Passioniste
Il est né en 1912 dans les vignes de la région bordelaise. Tout au long de sa vie il aura un penchant privilégié pour le produit de sa terre, le vin de Bordeaux, qu’il saura faire chanter dans son verre avant de le déguster avec une dévotion quasi liturgique. A quinze ans, Paul Breton entre au noviciat des Passionistes en Vendée et on lui donne le prénom de Stanislas au moment de ses premiers vœux. La Congrégation des passionistes, fondée par St Paul de la Croix en 1721 au nord de l’Italie est une congrégation de religieux missionnaires qui, à la suite de son fondateur, a su puiser dans la Passion et la Croix du Christ son élan et son enthousiasme pour vivre la mission aujourd’hui dans plus de 56 pays. Le charisme des Passionistes se résume dans le « Faire mémoire » de la Passion du Christ « l’œuvre la plus stupéfiante de l’Amour de Dieu », pour l’annoncer et vivre en proximité des souffrants et des pauvres. C’est dans cette famille religieuse, « les jésuites pour la campagnes » que Stanislas Breton vivra toute sa carrière d’étudiant et d’enseignant de Rome à Paris. A son tour, tout au long de son parcours d’homme et de religieux, en captivité ou dans nos couvents, il sera amené à affronter la passion et à faire l’expérience de l’épaisseur et du poids de la Croix qui restera, néanmoins, la lumière de toute son œuvre. Une expérience qui se déploiera dans plusieurs ouvrage : « La Passion du Christ et les philosophie », « Théologie de la Croix » , « Mystique de la Passion », « Le Verbe et la Croix »..etc…. C’est avec cette pensée profonde, originale, une spéculation rigoureuse à la fois philosophique, théologique et spirituelle que le P.BRETON va entraîner notre Congrégation toute entière vers une réactualisation de notre Charisme. Aujourd’hui, encore, l’influence de sa pensée ne cesse de nous réveiller pour nous garder dans l’élan d’un devenir que nous avons à construire.
Après ces quelques mots d’introduction, je voudrais vous faire connaître cet homme hors du commun qu’était le P. Stanislas Breton. Je mélangerai le « je » et le « nous » pour approcher cet être d’exception, notre aîné et notre frère, avec qui nous avons eu la chance et la joie de vivre de 1956 à 2005. Je voudrais vous le faire connaître au quotidien, dans la banalité de la vie ordinaire, communautaire, fraternelle, avec ses excès, ses débordements de joie, ses effondrements bourrés d’angoisses et de questions existentielles.
C’est vers les années 55,56, que nous découvrons le visage étonnant de ce passioniste au regard malicieux et au rire éclatant qui ne le quittera jamais. Il vient nous rejoindre à Clamart alors que nous sommes étudiants. Il nous accompagne tout au long de notre formation de sa réflexion vigoureuse sans craindre de nous bousculer.. Etudiants-séminaristes, nous recevons de lui une aide précieuse pour nos études, mais aussi pour l’approfondissement de notre vie religieuse. Sa chambre est au premier étage de notre maison, au coin de l’escalier. Il est assis à son tout petit bureau, attelé à sa machine à écrire, entouré des livres de sa bibliothèque. La fenêtre de la pièce donne sur les arbres de notre petit parc ; il y règne une paix et une tranquillité bien propice à l’étude et à l’écriture. Le bruit de sa machine à écrire nous est familier. Une machine toute simple, mais solide et il le fallait pour obéir à des doigts empressés qui avaient peine parfois à suivre la pensée profonde du philosophe. Bien souvent nous écoutons les leçons particulières, de logique, de philosophie, de théologie, qu’il nous donne en ce cadre tout familial. Il sait aller à l’essentiel, avec une capacité extraordinaire de synthèse. Il nous aide aussi à lire les signes des temps, à déchiffrer l’actualité dans des échanges tout spontanés et n’hésite pas à nous faire part de ses engagements de militant parfois risqués. En 1959, la Loi Debré sur le financement de l’enseignement privé par des fonds publics suscite de très fortes agitations dans tout le pays. Une manifestation monstre est prévue à Paris, Porte de Versailles. Le P.Breton décide d’y participer en habit religieux, accompagné de l’un de ses confrères. A peine arrivé, un manifestant lui lance un crachat au visage, le traitant d’obscurantiste. Le P.Breton, devant les témoins indignés, décline ses titres, dont celui de Docteur en Sorbonne, établissement laïque par excellence, montrant que le service public d’enseignement était capable de reconnaître la valeur de ceux qui ne faisait pas partie intégrante du système laïc. Silence autour de lui. Et en 68, il va rejoindre à pied, de Clamart au boulevard st Michel, les étudiants en pleine ébullition dans la cour de la Sorbonne.
Il faut souligner aussi, qu’avec son salaire ridicule de la Catho et ses petites économies, il n’hésite pas à garnir notre bibliothèque d’étudiants de livres majeurs en philosophie ou en théologie et de collections de référence, telles « les Sources Chrétiennes ». Il se glisse dans notre rythme de vie communautaire avec la ferveur d’un jeune novice, laissant au son de la cloche son manuscrit en chantier sur sa vieille machine à écrire ou griffonné sur le dos d’une enveloppe ou d’un vulgaire papier. Il vient nous rejoindre à la Chapelle, au réfectoire sans cesser de ruminer au creux de sa pensée et sur les crispations de son visage le déroulement de ses raisonnements. Il lui arrive bien souvent de quitter ces lieux communautaires en toute urgence pour aller écrire quelques lignes. Avec une grande simplicité, il nous fait part de ses projets d’écriture, de ses futurs ouvrages, de ses conférences à l’étranger et nous sommes témoins de ses fameuses rencontres philosophiques ou théologiques avec Henry Dumery, (Mr Henry) le P.Trouillard, le P.Dubarle, le P.Chatillon et bien d’autres… qui se déroulent toujours « sub secreto » mais bien rythmées d’éclats de rire et de voix ou le vin de Bordeaux n’est pas étranger.
A Clamart, nous avons un jardin, il s’en fait le jardinier. Dans le petit parc, à l’automne, il devient le ramasseur de feuilles. Son amour de la terre, la nécessité pour lui de se détendre l’esprit, le poussent même à devenir jardinier chez nos voisines, les carmélites, qui en étaient ravies. Son esprit de service, et sans doute la joie toute enfantine de « braver » la clôture du carmel, l’incite à s’investir dans ce domaine. Casquette inclinée sur l’oreille, en tenue de jardinier, il roule la brouette ou prend la bêche avec plaisir…Il aime être, apparaître de la terre, du peuple, et même, un peu malicieusement, « joue » au paysan les deux mains dans ses poches. Il faut qu’il se détende en faisant du footing, non seulement dans le bois de Meudon mais étrangement aussi dans les rues de Clamart. Il apprécie tout particulièrement certains légumes. Les artichauts et les salades l’enchantent. Les radis sont son régal ! Un matin, pressé de partir à son cours, il prend sur la table une poignée de radis qu’il met en sa poche. Pendant le cours, voulant sortir son mouchoir, voici que les fameux radis se répandent autour du bureau du professeur, à la grande joie des étudiants qui ne manquent pas cette belle occasion de rire de plein cœur…
En 1985, il faut quitter notre petite propriété de Clamart grignotée progressivement par les promoteurs immobiliers. Nous plantons notre tente à Champigny la ville de Georges Marchais le Secrétaire général du P.C, en pleine banlieue ouvrière. Il laisse, avec une certaine mélancolie, Clamart et ses bois où il aimait tellement marcher avec nous pour parler de tout ce qui le préoccupait et nous préoccupait aussi. Fini le jardinage, fini le bois de Clamart ou de Meudon pour de longues marches philosophiques ou méditatives. Il faudra trouver d’autres espaces pour que le souffle métaphysique ne cesse d’animer une pensée toujours en éveil. Avec un religieux de la communauté, portugais, qui veut lui faire entendre ses homélies et les faire corriger, il parcourt en tout sens le grand stade du Tremblaye à Champigny tout en débattant de problèmes politiques ou de questions philosophiques et théologiques. Avec une grande simplicité, il répond aux questions posées et entraîne son interlocuteur vers des horizons insoupçonnés. Des moments inoubliables…
Le 25 mars 1985, jour de l’Annonciation cette fête que le P. BRETON « aimait tant parce qu’il voyait passer l’aile d’un ange », notre Communauté prend pied dans cette maison de Champigny qui sera la sienne jusqu’à sa mort en avril 2005. Toute sa bibliothèque a trouvé place dans deux pièces exiguës de la maison, un pavillon de banlieue : son univers familier est reconstitué mais progressivement l’ordinateur vient remplacer la vieille machine à écrire. L’apprentissage à l’informatique ne se fera pas sans peine. Il faudra souvent que l’un d’entre nous, prêtre ouvrier, vienne à son secours pour éviter, à cause de fausses manœuvres, que des pages frappées terminent leurs parcours dans la corbeille ou se soient définitivement envolées.
Mais rien n’empêche le P.BRETON de poursuivre son rythme infernal d’écriture, de réunions à Paris, de programmer ses voyages au quatre coins du monde. Au cours d’une expédition en Australie Centrale, the Great Australian Desert, le P.Breton avait souligné une double vision, celle du rien, le matin et celle de l’instant, le soir. Je le laisse parler : « ce surgissement du matin dans le désert est une des expériences les plus étonnantes qui m’ait visité. On croit participer en participant de l’intérieur, à la naissance de l’univers à partir du rien, je veux dire à partir d’un songe et d’un premier sommeil, comme si le désert figurait l’absolu rêvant sa créature et la projetant dans sa gloire sans pouvoir se détacher d’elle. Le crépuscule, dans le désert, est aussi prometteur que le matin…La terre semble y être soumise à la loi de l’instant. Il ne faut pas manquer cet instant qui est celui du rendez-vous, le rendez-vous du crépuscule. C’est l’heure du grand passage…Et quand l’ombre a résorbé le jour, la fête commence, une sorte de pâque cosmique qui aurait inversé notre pâque liturgique puisque la transition brusque qu’elle opère est la magnificence du soir, la lumière atteint son sommet ». Sa méditation s’achève par la Messe célébrée sans autel avec pour crois, la Croix du Sud dans une nuit noire illuminées d’étoiles… Tous ses voyages ne l’empêchent pas d’accueillir amis et collègues de l’université et de continuer à mener, jour après jour, une vie communautaire avec nous, comme il la menait à Clamart. Il partage notre vie de prière avec une grande régularité en traversant, parfois rapidement, les paroles de la liturgie. Le matin avant les Laudes, à la chapelle, il prend un livre. Les dernières années, c’est l’Evangile de Jean qui soutient sa prière tout en « lectio divina ». Il le médite en grec. Il chante de tout cœur les psaumes et tout particulièrement, avec ardeur et grande joie, le psaumes 150 : « Louez Dieu dans son temple saint… »
Il est vraiment l’un de nous, toujours prêt à prendre « son tablier de service » non seulement pour faire la cuisine, et tout particulièrement les pizzas, la morue ou les tartes aux poireaux, mais aussi pour prendre sa part dans les tâches les plus ordinaires de la vie communautaire. L’étendue de son savoir et de sa recherche spéculative, ne l’empêche pas d’être en admiration devant ceux qui savent tout faire de leurs mains. Aucune distance entre lui et nous, entre lui et nos voisins, entre lui et tous ceux qui frappent à notre porte ou qui viennent partager notre table. Sa simplicité et sa disponibilité étonnent tous ceux qui l’approchent : pour chacun « il est le P.BRETON mon ami » qui n’hésite pas à se mettre au niveau du plus petit, et qui accueille tous les bonjours des passants en donnant une parole appropriée accompagnée d’un bel éclat de rire. Les enfants sont les privilégiés de son cœur paternel et maternel, il les protège et veille à ce que rien ne leur manque : il est enfant au milieu des enfants, il s’amuse autant qu’eux, mais il est aussi le « papy » affectueux et attentionné à qui l’on a recours au moindre empêchement. Avec sa filleule âgée de 2 ans, il découvre la vie quotidienne de l’enfant attentif à tous ses gestes avec un regard plein de confiance et de joie profonde. Il baptise, il parraine et il marie.
Il visite nos familles, parle avec simplicité des problèmes de la vie de tous les jours, du travail des uns et des autres, aborde les questions politiques ou syndicales, …tout en dégustant une bonne omelette. Il accompagne jusqu’au bout tous ceux et celles qu’il a aimés et tout particulièrement les membres de nos familles à l’heure de la mort. Auprès du corps inerte de la maman de l’un d’entre nous, il est là bien présent, le visage presque souriant et les yeux toujours aussi malicieux et perçants près à interroger l’au-delà de la mort. La famille et des amis qui entourent la maman le regardent et l’écoutent. Il raconte des morceaux de son histoire avec humour, évoque ce qu’il a connu d’elle, des souvenirs de cuisinière avec un regard plein d’émerveillement et de joyeuse sérénité. Autour de la maman, personne n’a plus envie de pleurer, sa vie l’emporte sur sa mort. C’est un peu ce qu’il écrit au terme de son roman métaphysique, « Rien ou quelque chose » : « la mort n’achève rien mais permet que tout commence, et qu’on soit toujours au commencement ». De la mort, il en parlait souvent et il aimait la rencontrer en allant sur les tombes ou dans les caveaux pour « voir ». Voir et toucher la mort, presque une obsession pour exorciser ses peurs et ses angoisses.
Le P.BRETON sait vivre au quotidien, dans l’ordinaire des jours l’ « esse in » et l’ « esse ad » de sa thèse initiale : il est l’homme de la relation et de la relation fidèle, profondément enraciné dans sa famille passioniste, dans sa Congrégation, qu’il aime, toujours prêt à débroussailler de nouveaux chemins. Notre communauté est « sa demeure » d’où il s’évade souvent pour y revenir avec joie. Il aime notre vie simple, fraternelle et, pour certains d’entre nous, engagée dans le réel du travail et du combat syndical. Nous l’aimons bien : il est l’ancien, « le vivant miroir » de notre famille passioniste, « le plus jeune » d’entre nous qui ne cesse de structurer en nous un jugement critique, le « père et le frère » à qui nous pouvons facilement nous confier et partager nos soucis et nos engagements missionnaires. Personnellement, je garde en mémoire sa grande compassion, non seulement, au moment du suicide d’une jeune infirmière collègue de travail aux urgences de l’hôpital, mais tout au long des années dans ses multiples relations de compassion, avec des souffrants de tout bord, jusqu’à l’accompagnement de son ami Althusser. Un accompagnement fidèle et douloureux auprès d’un homme torturé, angoissé, habité de pulsions destructrices et incontrôlables. Et tandis que j’étais au Rwanda aussitôt après le génocide de 94, il a avec moi un lien épistolaire très régulier, fraternel et chaleureux qui me ramène toujours au « Logos de la Croix qui ne peut être que folie »(Le Verbe et la Croix p.103) dès lors qu’il se réfère aux Béatitudes ou à Mt 25 « j’avais faim et tu m’as donné à manger…tout ce que vous ferez aux plus petits des miens c’est à moi que vous l’avez fait ».
Le P.BRETON nous a quitté le 5 avril 2005, il y a déjà 10 ans. Outre son œuvre philosophique immense, que ce Symposium continue d’ explorer, je veux terminer ce portrait de notre P.BRETON passioniste, en soulignant l’importance pour toute notre Congrégation de ces ouvrages plus théologiques , spirituels ou mystiques. Henry Dumery aimait dire que le « passionisme imbibait son œuvre en tous ses développements ». Il est vrai que la Passion et la Croix ont été la forme dominante de sa réflexion. A chacune de nos rencontres, et il n’en manquait aucune, il ne cessait de nous orienter vers cette Croix du Christ pour qu’elle puisse libérer en nous, comme il savait le proclamer avec force et conviction : « un devoir être » et « un devoir faire ». Je lui laisse la parole au terme de l’évocation bien incomplète de son visage, avec ces quelques lignes de son bel ouvrage « Mystique de la Passion » : « La Passion ne se réduit pas à un évènement du passé. Elle est une nouvelle existence et une nouvelle intelligibilité du monde…Elle est sur terre le Verbe de l’Amour infini, comme le Fils est auprès du Père la révélation de la sagesse infinie. La Résurrection elle-même ne sera que le témoignage de cet amour plus fort que la mort…La Passion de Jésus est une force toujours en acte, une lumière qui rayonne ».(p.21-22)